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son haubert sous son pourpoint et tenait son épée cachée sous son manteau.

Arrivé au palais, il trouva les portes grandes ouvertes et entra dans la salle. Il y avait là plusieurs princes, ducs et comtes et des chevaliers de tout âge, ainsi que maintes dames vêtues de soie et de drap d’or. Le comte Guillaume fut bien reconnu, mais on le reçut mal, parce qu’il était pauvrement vêtu. Personne ne le salua, pas même la reine, sa sœur, quoiqu’elle l’eût bien vu. Tout le monde fit semblant de ne pas le connaître.

Le comte en fut fort irrité. Il alla s’asseoir à l’écart sur un banc et caressa l’épée nue sous son manteau ; il avait de la peine à se contenir à ne pas leur courir sus.

À peine fut-il assis que le bruit se répandit qu’Aymeric venait d’arriver, accompagné de soixante chevaliers. Il y eut un grand tumulte ; toute la cour se mit en mouvement pour aller à la rencontre d’Aymeric de Narbonne.

En effet le comte descendit de cheval au perron ainsi que Hermengard sa noble comtesse. Quatre de ses fils venaient avec lui : Bernard le preux, Buevon de Commarchis, Guichart et Hernaut. Le seul Aymer-le-chétif n’y était pas ; il est en Espagne parmi les Sarrasins, où jour ni nuit il ne leur donne trève.

Avant qu’Aymeric fût entré dans la salle, son gendre Louis alla à sa rencontre avec la belle reine. On traita le comte avec tout l’honneur possible et non moins sa noble femme, Hermengard au teint blanc. On plaça Aymeric dans un fauteuil à côté du roi et la comtesse près de la reine, sa fille. Les chevaliers se placèrent à la ronde.

La salle était ornée de lis et de roses, dont le parfum se mêlait à celui de l’encens qu’on brûlait ; les jongleurs chantèrent en s’accompagnant de la vielle. Toute la cour était fort joyeuse.

Mais avant la fin du jour tout cela changera, et le plus hardi d’entr’eux aura peur ; l’empereur lui-même voudrait