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— Que fait Guillaume, le rude guerrier qui nous donne tant de mal ?

— Sire, répondirent-ils, il est là, au pied de l’escalier, sous l’olivier.

Louis s’armant d’un bâton de pommier, alla s’accouder à la fenêtre. Il vit Guillaume qui pleurait à chaudes larmes ; il l’appela et lui adressa ces paroles :

— Sire Guillaume, allez donc trouver un hôtel, faites bien soigner votre cheval et revenez ensuite à la cour pour dîner. Vous venez me visiter dans un fort pauvre équipage : n’avez-vous donc ni valet ni écuyer pour vous aider à vous déchausser ?

— Ah ! Dieu, j’enrage, dit le comte, quand j’entends cet homme me railler, lui, qui par dessus tous les autres devrait m’honorer et m’aimer. Mais par Celui qui jugera le monde ! si je puis entrer dans ce palais, avant que le soleil soit couché demain, je lui raserai la tête de cette épée, et maint des siens se baignera dans son sang. C’est pour leur malheur qu’ils se sont montrés plein d’orgueil et de mépris envers moi ; avant de partir d’ici ils me le paieront.

En disant cela il roula les yeux et grinça les dents en secouant la tête avec fureur.

Louis fit bien garder la porte et ne laissa entrer ou sortir personne, par crainte de Guillaume, qui continuait à se consumer de rage. Enfin un franc bourgeois, du nom de Guimar, l’emmena avec lui et lui offrit l’hospitalité. Après avoir mis son cheval dans une étable richement pourvue, il voulut faire souper le comte. Mais celui-ci ne voulut ni goûter au vin, ni manger du pain blanc. Il se fit apporter du gros pain de seigle dont il soupa et il l’arrosa avec de l’eau, parce qu’il voulait tenir le serment qu’il avait fait à Guibor.

Le bourgeois, tout étonné, lui demanda :

— Comment, sire Guillaume, vous refusez un si beau souper ? Dites m’en la raison. S’il y a quelque chose qui vous déplaise, j’y porterai remède.