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a le regard plus redoutable qu’un lion. Il porte une épée à la poignée d’or ; il a un cheval d’Espagne dont la tête est fine et la croupe large, et qui est presque aussi haut que l’olivier. Son frein est fort riche et orné de boutons d’or, la selle est un chef-d’œuvre. Un heaume pend à l’arçon et derrière lui est attaché un haubert étincelant, dont les mailles, plus blanches que du coton, sont entremêlées de quelques rouges, parce qu’elles ne sont pas couvertes d’une housse. Ses deux éperons sont d’une grandeur démesurée, la broche a un empan de long. Mais il est vêtu d’un mauvais pourpoint et par dessus d’une pelisse d’hermine. Un gros nez surplombe sa moustache, ses bras sont longs et ses poings larges ; il a la narine dilatée et une forêt de cheveux sur la tête. Il a tout l’air d’un voleur, et il semble qu’il vient pour vous disputer le trône de France, car il a l’air bien féroce.

Le roi tout étonné, fit le signe de la croix et tous les Français frémirent de peur. Louis courut à la fenêtre pour regarder l’étranger à la fière mine. Puis il dit :

— Allez y voir, Sanson, et revenez me faire votre rapport. Demandez-lui bien, d’où il est et comment il s’appelle ; mais ne l’amenez pas ici, car il pourrait bien être un hôte dangereux.

Sanson se hâta d’obéir aux ordres de son souverain ; il descendit les degrés de marbre, et s’adressant à Guillaume :

— Quel est votre nom, lui demande-t-il ? De quel pays êtes-vous ? Et dites-moi qui vous envoie ?

— Je vais vous le dire, répond le comte. J’ai nom Guillaume au court nez. Je viens d’Orange et je suis extrêmement fatigué. Je vous prie de me tenir mon cheval, jusqu’à ce que j’aie parlé à Louis.

— Monseigneur, dit Sanson, attendez un instant. J’irai là-haut, en la salle seigneuriale, faire mon rapport au roi qui m’a envoyé vers vous ; je reviendrai bientôt, n’en doutez pas, et je vous prie, pour Dieu ! de ne pas vous courroucer.