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bien aise d’avoir été abattu par toi ; cela me prouve que tu as toujours un bras vaillant. Ton coup a été rude, mais Dieu merci ! je ne suis pas blessé.

— Lorsque Guillaume le reconnut, il éprouva une grande joie. Il descendit de cheval, et tous deux ôtèrent leurs heaumes pointus. Hernaut baisa son frère sur les yeux, les joues et le cou ; mais Guillaume mit son écu devant sa bouche, pour qu’il ne la touchât pas.

Cependant les chevaliers s’empressèrent autour d’eux. Quand ils eurent reconnu le comte, ils le saluèrent respectueusement. Ils descendirent de cheval et s’asseyant sur l’herbe, au pied d’un arbre touffu, ils prêtèrent l’oreille au récit que Guillaume leur fit de ses malheurs.

— Mes hommes sont morts, dit-il, et j’ai perdu mes neveux. Les mécréants ont pris Bertrand, Gaudin-le-brun, Guichart et cinq autres. Ils sont venus mettre le siége devant Orange, où je n’ai laissé vieux ni jeune, sauf le portier et un clerc, avec cent malheureux que j’ai délivrés de prison, mais qui sont trop faibles pour se défendre. Aussi toutes les dames ont-elles vêtu le haubert et ceint l’épée. Mais elles ont peu de vivres, le vin et le froment leur manquent. Si elles ne sont secourues à bref délai, Orange sera prise et brûlée.

En entendant ce récit, Hernaut fut profondément touché ; il resta muet pendant plus d’une heure, tant il était ému.

Guillaume voyant que Hernaut ne lui répondait pas, lui dit à demi-voix et en tremblant :

— Eh bien, frère, viendras-tu à mon secours ?

— Certes, monseigneur, je ne vous ferai pas défaut, tant que j’aurai vie.

— Alors, dit Guillaume, ne tardez pas. Faites savoir à notre mère chérie, Hermengard de Pavie, et à Aymeric à la barbe blanche que j’ai besoin de leur secours contre les Arabes. Moi, j’irai à Saint-Denis trouver Louis, pour le prier de lever son armée, afin de me venir en aide, ou de