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et noble famille viendra vous secourir en la terre maudite.

— Ah ! Sainte Vierge, murmura Guillaume, on a tant de fois fait appel à l’armée française et nous leur avons causé tant de mal et de peine qu’ils ne croiront pas le messager qui leur dira que j’ai si complétement perdu mes compagnons. Ah ! Guibor, douce amie, on n’aura pas confiance en notre messager et les chevaliers de France ne remueront pas. La seule ressource serait d’y aller moi-même ; mais je n’irai pas. Pour tout l’or de Pavie je ne vous laisserais pas entourée de cette race odieuse. Par l’apôtre saint Pierre ! je serais bien mauvais et plein de félonie si je vous laissais seule à Orange.

— Monseigneur Guillaume, reprit Guibor en pleurant, allez tout de suite. Je resterai à Orange avec toutes ces dames ; chacune d’elles endossera la cotte de mailles et portera le heaume luisant, l’épée au côté, l’écu au col et la lance à la main. Ensuite il y a ici tous ces chevaliers que vous avez délivrés des mains des mécréants, ils défendront nos murs si les Turcs montent à l’assaut. Moi-même je porterai l’armure comme tout combattant, et par l’apôtre saint Jacques ! le Sarrasin que j’atteindrai d’une pierre du haut des créneaux, je l’abattrai à terre.

À ces mots Guillaume, les yeux en pleurs, embrassa Guibor. Elle fit tant, qu’enfin il lui promit d’aller en France pour chercher le secours dont ils avaient grand besoin.

Cependant au moment du départ Guibor lui dit :

— Monseigneur Guillaume, tu vas en France et tu me laisses ici, triste et seule, enfermée dans Orange et entourée d’une race qui ne m’aime pas. En cette terre bénie tu verras mainte pucelle au teint frais et mainte noble dame richement atournée, qui t’inspireront de l’amour ; et je sais bien que tu m’auras bientôt oubliée ainsi que cette contrée. Qu’est-ce qui vous y rappellerait ? Vous n’y avez trouvé que de la peine, la faim, la soif et toutes sortes de privations.

À ces paroles Guillaume regarda la dame avec stupéfaction. Les larmes lui montèrent du cœur aux yeux et inon-