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vous connaîtrez le malheur irréparable de la perte de mes neveux, que j’aimais tant, je crains bien que la douleur ne vous fasse perdre la raison.

Le comte se pâma sur le col de son cheval, et sans les étriers il serait tombé à terre. Revenu à lui, il piqua droit jusqu’à Orange.

Arrivé devant la porte il se mit à appeler à haute voix le portier :

— Ouvre la porte, abaisse le pont ! Hâte-toi, mon ami, j’en ai grand besoin.

Quand le portier s’entendit exciter de la sorte, il se mit à regarder par la fenêtre de la tourelle ; mais il ne reconnut pas le marquis au fier visage, ni le cheval qu’il montait, ni l’enseigne qui flottait au bout de sa lance, ni son écu, ni son heaume brillant. Il crut que c’était un Sarrasin qui venait pour le tromper et se rendre maître de la ville. Il lui cria :

— Retire-toi, ou par saint Jacques ! mon patron, si je te vois approcher d’un seul pas, je t’abattrai de ton cheval. Va-t-en, traître plein de fausseté. Le comte Guillaume doit bientôt revenir de l’Arckant ; nous ne nous laisserons pas surprendre comme des imbéciles.

— Ami, dit le comte, ne t’emporte pas. Je suis le marquis Guillaume, qui alla venger en l’Archant le tort qu’on avait fait à Vivian. J’y ai fait une perte irréparable ; mes hommes sont morts, je ne les reverrai plus jamais ; et moi-même je suis blessé en plusieurs endroits. Ouvre-moi la porte et ne te méfie pas.

En entendant ces mots, le portier atterré se signa à plusieurs reprises.

— Seigneur, dit-il, ayez un peu de patience ; j’irai là-haut prendre des ordres, je serai de retour dans un instant.

Il descendit en grande hâte de la tourelle et monta les degrés qui conduisaient à la Gloriette, où se tenait Guibor. Du plus loin qu’il la vit, il lui cria :