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Il pousse son cheval sur le païen qui, de son côté, ne l’évite pas. À leur rencontre leurs écus sont percés, mais les hauberts tiennent bon ; pas une maille ne s’est détachée. Leurs lances se brisent et les éclats en volent au loin. Le comte Guillaume a si bien frappé le païen, qu’il le jette à terre, les jambes en l’air. Puis il saisit le cheval et l’aurait emmené, si plus de cinquante Sarrasins ne s’étaient pas avancés pour le frapper. Alors Guillaume furieux, tira son épée et coupa la tête au bon destrier qu’il ne voulut pas laisser aux Sarrasins. Du revers il tua deux Turcs, et sans plus attendre, il reprit sa course vers Orange.

Que Jésus le conduise et le sauve !

Les Sarrasins ont remonté Bauduc ; d’autres se joignent à eux de toutes parts. Desramé lui-même y vient avec toute sa maison et les trente rois couronnés. Tous, d’un commun accord, ont juré qu’ils ne se laisseront retenir par aucune difficulté, qu’ils le poursuivront jusqu’à ce qu’ils l’auront enfermé à Orange ; puis il le feront prisonnier et l’enverront à Thibaut, le neveu de Desramé, qu’il a dépouillé de son bien et qu’il a déshonoré en lui prenant sa femme. Mais, s’il plaît à Dieu, ils seront tous parjures, avant qu’un mois soit passé ; car ils seront refoulés de manière que les plus courageux d’entr’eux pâliront de peur.

Cependant le marquis à l’air hardi, à coups d’éperons gagne du terrain sur ses ennemis. Ils courent après lui au nombre de plusieurs milliers ; mais il monte un cheval si supérieur que, s’il ne s’abat pas sous lui, il ne les prise pas un denier.

À l’entrée d’un vallon il monta sur un rocher ; la tour et le clocher d’Orange, le palais de Gloriette avec ses murs de pierre s’offrirent à ses yeux.

— Mon Dieu ! dit le comte, que j’étais heureux lorsque je partis de là il y a quelques jours ! Et depuis j’ai perdu tant de vaillants chevaliers dont l’assistance me manquera dorénavant. Ah ! Guibor, belle et noble épouse, quand