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de sang. À cela, et à Baucent qui le suivait, ils reconnurent le comte au bras de fer ; et tous deux s’écrièrent :

— Traître félon, tu ne nous échapperas pas. Guillaume leur fit cette réponse, pleine de fierté :

— Mauvais gloutons, je ne vous crains pas plus qu’une vile chambrière. Je vois bien que pour me défendre, il ne suffira pas de prier Dieu ; mais s’il lui plaît, ainsi qu’à Monseigneur saint Pierre, l’un de vous sera bientôt couché dans sa bière.

Il fait sentir l’éperon à Folatise, qui s’élance plus vite qu’un lévrier ; il va frapper Desréé, à qui la targe et la cotte de mailles ne furent d’aucun secours ; il lui plante la lance au milieu du cœur et le jette roide mort sur l’herbe. Avant qu’il eût vidé les arçons, Guillaume lui arracha sa lance et continua sa route au grand galop.

Bauduc court après lui, à la tête de dix mille Sarrasins. Ils se rendent maîtres de Baucent, et le taillent en pièces, comme des misérables qu’ils étaient. Le marquis lui-même reçoit mainte blessure.

Si Folatise ne lui fait défaut, il ne court aucun danger. Cependant les païens courent après lui et galopent par monts et par vaux ; mais le noble marquis a tant éperonné son cheval qu’il les devance d’une grande lieue. Il se croit sauvé. Et tout en regrettant fortement Baucent, le comte s’arrête sous un arbre touffu pour laisser souffler sa monture. Mais avant qu’il eût repris haleine, il vit la colline couverte de païens, et Bauduc à leur tête, courant à bride abattue et la lance en arrêt.

— Eh ! Guillaume, cria-t-il, on vous a tant loué ; vous surpassez, dit-on, tout le monde en bravoure ; retournez-vous donc et joutez avec moi seul.

— Dieu ! soupira Guillaume, ce méchant glouton m’a dit tant d’injures, et m’a fait tant de mal en me donnant la chasse ; il est cause que les païens ont tué Baucent, que j’aimais tant ; — par mon chef ! j’en aurai vengeance.