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galop, sur l’herbe et il s’assura que cerf ni chevreuil ne le dépasseraient à la course.

— Merci, mon Dieu, dit Guillaume, de Votre protection ! Maintenant je ne crains aucun mécréant païen.

Là dessus il revint à l’endroit où le Turc était étendu, et Aarofle lui dit :

— Guillaume, où vas-tu ? Par le salut de ton âme, réponds-moi. Je vois bien que je suis vilainement estropié, et que je ne sortirai-pas d’ici à moins d’être porté en litière. Mais par Mahom ! rends-moi mon cheval. Je le rachèterai chèrement ; je te donnerai deux fois son pesant d’or d’Arabie, et je ferai rendre la liberté à tes neveux qui sont prisonniers sur nos vaisseaux.

Guillaume crut qu’il voulait le tromper et trahir, et lui dit :

— Tu parles en vain ; je ne te le rendrais pas pour quatorze cités. Je pars et tu resteras ici.

À ces mots Aarofle crut devenir fou ; il se lamenta à haute voix :

— Ah ! Guillaume, quel cheval avez-vous ! Vous emmenez le meilleur qu’on ait jamais vu. Il a les allures si douces que le cavalier qui le monte ne peut se fatiguer. Il court par monts et par vaux sans se laisser arrêter par aucun obstacle et sans suer de fatigue. Il n’a jamais été saigné ni ferré ; il a le sabot plus dur que l’acier. Ah ! Folatise, je t’avais gardé si longtemps, et aujourd’hui je te perds à mon grand regret. La douleur et la honte m’accablent ; mais par Mahomet ! c’est ta perte surtout qui me rend malheureux. Rendez-le moi, Guillaume au court nez, et je ferai toutes vos volontés.

— Glouton, dit Guillaume, il me semble que tu te moques de moi. Par saint Denis ! quand nous nous séparerons tu ne feras plus de mal ni à moi ni à autrui. Je serais un misérable si je te laissais la chance d’en réchapper.

La douleur fit perdre connaissance au païen, et ce n’est