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— Glouton, en ce moment nous verrons bien si ton Dieu te secourra.

Il allait lui porter un second coup, lorsque le comte le prévint et lui asséna un horion sur le heaume. Mais l’acier en était si dur, qu’il ne fut pas entamé. L’épée, glissant de côté, alla s’abattre sur l’écu qui fut mis en pièces.

Guillaume, plein de courroux, s’écria :

— Ah Joyeuse, on est en droit de dire du mal de toi. Lorsque à Aix, en présence de toute la cour, Charlemagne te donna à moi, il te loua grandement et dit qu’à l’exception de Durandal il n’y avait si bonne épée au monde. Au diable, qui te louera encore ou fera quelque cas de toi !

Peu s’en fallut qu’il ne la jetât par terre.

— Tu as du malheur, ricana le païen ; on t’a forgé une mauvaise épée.

En disant ces mots il brandit la sienne pour lui porter un nouveau coup. Mais le comte était en garde, et préparait une nouvelle attaque ; Joyeuse descendit comme un éclair, emporta un des pans du haubert du Sarrasin, et sans que les mailles qui couvraient ses jambes pussent l’en préserver, lui separa la cuisse entière du corps.

Le païen chancela et tomba bientôt à la renverse, à la grande joie de Guillaume, qui remercia intérieurement Dieu et la Sainte Vierge de l’honneur qu’ils lui faisaient. Puis s’adressant à Joyeuse, il s’écria :

— Sois bénie ! À mon avis jamais meilleure épée n’exista.

Et se tournant du côté du Sarrasin, il lui dit :

— Glouton, tu as entrepris une œuvre folle. De mon épée j’ai abattu ton arrogance. Fais faire une béquille de frêne ou de sureau. Dorénavant on s’apercevra que tu as rencontré le marquis Guillaume.

Puis saisissant le bon cheval, il mit le pied dans l’étrier d’or pur et s’élança en selle. Il lui fit faire un temps de