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Aarofle. Dieu est là-haut, au-dessus du firmament ; pas un seul arpent de terre ne lui appartient ici bas, où Mahomet commande. C’est lui qui déchaîne les vents et les orages, qui nous donne les fruits des arbres, le vin et le froment. C’est en lui qu’on doit croire, c’est à lui qu’il faut obéir.

— Glouton, dit Guillaume, en l’honneur de Dieu je prouverai que tout ce que tu viens de dire est mensonge.

Ce disant, il se baisse et saisit une lance qui gisait par terre. Et tous deux ils s’élancèrent l’un vers l’autre. Mais le cheval du comte ne se mouvait que péniblement, tandis que celui du païen volait comme un trait d’arbalête. Chacun fit tout ce qu’il put pour frapper son adversaire ; les écus sont percés, les hauberts ne les garantissent pas, et tous deux sentent dans les chairs le fer de leur ennemi.

Du choc, les sangles et les poitrails de leur selles se rompirent ; Guillaume tomba d’un côté, les jambes en l’air, et Aarofle fut renversé de l’autre. Les pointes des heaumes allèrent se ficher en terre et les nasels de fer se brisèrent. Le sang vermeil sortit à flots de leurs bouches.

Pas un des chevaux ne remua ; mais celui du païen se mit à hennir, à froncer les naseaux et à gratter la terre du pied.

Le Sarrasin se leva le premier ; il était grand et fort et avait les cheveux hérissés comme un sanglier en fureur. Il tira son épée qui flamboya au jour, et embrassa son écu par les enarmes. Puis, au moment où Guillaume voulut se lever, il lui donna sur le heaume un coup si formidable qu’il trancha tout ce qui fut atteint par le fer. Le comte était à deux doigts de la mort ; mais Dieu, qui le protégait, fit dévier l’épée, qui descendit avec la rapidité de l’éclair et s’enfonça de plus d’un pied dans la terre.

— Dieu ! s’écria Guillaume, quelle bonne épée que celle-ci ! À l’exception de Durandal il n’y en a pas de meilleure sous le ciel.

Et Aarofle lui dit :