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cap, sans que les flancs lui battissent et sans avoir un poil mouillé de sueur. Et avec cela il était si beau que je ne parviendrais jamais à vous le dépeindre.

Le comte Guillaume, plein d’admiration pour un si noble animal, se dit :

— Père céleste, qui m’avez fait naître et qui jusqu’ici m’avez protégé, donnez-moi une nouvelle preuve de Votre bonté en mettant en ma possession ce noble coursier ! Si jamais je le tiens dans les murs d’Orange je ne le céderai pas pour la valeur de tout mon bien. Hélas ! le pauvre animal que j’ai sous moi perd tout son sang et est près de s’abattre. Moi-même que puis-je contre ce Sarrasin si bien armé, avec mon épée ébréchée ! Hélas ! je vois bien que je vais mourir !

Puis s’adressant à son adversaire, il lui dit :

— Sarrasin, mon ami, que t’ai-je fait pour mériter ta haine ? Si je t’ai jamais enlevé ou pris quelque chose, je ferai droit à tes réclames, et le tort qui t’a été fait sera pleinement réparé.

Aarofle lui répondit :

— Il n’y a qu’une seule manière d’échapper à la punition qui t’attend. Par Mahomet ! Je ne veux pas qu’on croie en la Trinité, qu’on soit baptisé et qu’on adore Jésus. Si tu veux abjurer ta croyance et adorer Mahomet, je te laisserai aller sain et sauf à Orange, à condition que tu rendes la ville à mon frère Desramé et ta femme au roi Thibaut. Voilà mes conditions de paix et de pardon.

— Tu m’en demandes trop, répartit Guillaume. Je ne ferais pas cela pour un val plein d’or. J’aimerais mieux qu’on me coupât la tête et démembrât mon corps que de renier Dieu, le roi du ciel et de la terre. Ton orgueil démesuré t’a rendu fou. Vil mécréant, je ne te prise pas la valeur d’une charogne de chien, et tous tes Dieux ensemble ne valent pas un denier monnayé.

— Tu te laisses tromper par des momeries, répondit