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à deux ; vous n’aurez pas lieu de vanter votre courage auprès des vôtres.

— Non pas ensemble ; mais chacun séparément.

— Voilà une intention louable. Cependant, pourquoi vous battriez-vous contre moi ? Je ne vous ai jamais rien pris ; je n’ai jamais volé la moindre des choses à personne. Et si je vous ai causé quelque mal, je vous ferai droit, de ma main nue, dans un jugement de Dieu, en passant par le feu ou par l’eau, car j’ai pendu plus que vous en Aleschant.

Danebron lui répondit :

— Tout cela ne te sauvera pas. Tu as tué mon frère, le roi Marchepalu ; tu as causé la mort de plus de mille des miens. Ce dommage ne peut jamais être réparé. Mais aussi vrai que le salut de mon âme dépend de Mahomet, je ne prendrai pas d’aliment avant de te l’avoir chèrement fait payer, en te punissant de ma main et en te pendant au premier arbre venu.

— Bon, dit Guillaume, je te verserai à boire comme tu n’as jamais bu.

Le Sarrasin éperonne son cheval aux beaux crins, et va frapper de sa lance le milieu de l’écu du comte, qu’il transperce ainsi que son haubert ; le fer lui fait une égratignure au flanc.

— Seigneur Dieu ! dit Guillaume, quel coup ce mécréant m’a porté ! Son fer a été bien près de mon flanc. Mais s’il plaît à Dieu, je le lui rendrai avec usure.

Et brandissant son épée, il lui porta un tel coup sur son heaume doré qu’il le coupa en deux ainsi que la coiffe de mailles qu’il portait dessous et qui ne le protégea pas plus qu’un vieux gant décousu. Le païen tomba roide mort.

— Glouton, cria Guillaume, tu as mal tenu ton serment ; aussi avais-tu follement juré. Je t’ai bien payé le service que tu voulais me rendre, en t’envoyant dans le puits de l’enfer où résident Mahomet et tous tes autres Dieux.