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un morceau de pain bénit sur l’autel de saint Germain.

— Neveu, dit-il, confesse tes péchés. Je suis ton oncle, personne ne t’est plus proche, sinon Dieu ; je te parlerai en son nom ; à ce suprême baptême je serai ton parrain.

— Monseigneur, dit Vivian, j’ai grand’faim de ce pain bénit ; mettez ma tête dans votre sein, et laissez-moi communier, puis je mourrai. Hâtez-vous, mon oncle, car je me sens défaillir.

— Hélas ! soupira Guillaume, quelle triste demande ! Hélas ! j’ai perdu la fleur de mon lignage ; tous mes chevaliers sont morts.

Il mit Vivian sur son séant et lui passa les bras autour du cou aussi doucement qu’il put. Et le jeune homme se mit à se confesser, sans rien omettre de ce qui lui vint en mémoire.

— Ce qui me pèse le plus, dit-il, c’est que, le jour que je fus armé, je fis serment à Dieu, en présence de mes pairs, que je ne fuirais jamais devant Turc ni Esclavon, même la longueur d’une lance. Cependant une troupe de gens hideux m’a fait reculer aujourd’hui je ne sais de combien ; mais je crains qu’ils, ne m’aient fait manquer à mon vœu.

— Neveu, répondit Guillaume, il ne faut pas t’effrayer. En disant ces paroles il lui donna le pain qu’il mangea en commémoration du Seigneur. Et Vivian se frappa la poitrine, et ne prononça plus une parole, sauf pour prier son oncle de porter ses adieux à Guibor. Sa vue se trouble, il ne distingue plus les objets ; cependant il regarde le comte comme pour le prier de le poser doucement à terre. Son âme s’envola, et Dieu la reçut en son paradis et lui montra sa place parmi les anges.

Guillaume se mit à pleurer, sachant bien que tout était fini.

Il vit bien qu’il lui serait impossible d’emporter le cadavre ; voilà pourquoi il coucha le jeune homme dans son écu et le recouvrit d’un second bouclier.

Lorsqu’il voulut remonter à cheval, son cœur se brisa