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Si la conception et les grandes lignes des divers tableaux dont se compose le poëme, dénotent des mains de maîtres, tout nous dit que l’arrangeur, qui entrevit l’unité d’une grande composition, est, à tout prendre, resté trop souvent au-dessous de sa tâche. Ainsi une main habile et intelligente n’eût point laissé subsister les nombreuses redites qui étaient la conséquence de la manière dont les poëmes populaires avaient jadis circulé, mais qui devaient nuire à la plasticité des tableaux, dès que ces poëmes n’étaient plus chantés à la foule émue. Du reste, dans notre traduction nous avons cru devoir obvier à cet inconvénient.

On n’a pas remédié à certains disparates. Les Sarrasins p. e. morts sous les murs de Narbonne, se montrent pleins de vie dans la bataille d’Aleschant ; plusieurs épisodes sont racontés de différentes manières dans les différentes chansons. Enfin l’arrangeur ne s’est pas non plus, et c’est là sa plus grande faute, mis en frais pour amener la transition du caractère de l’écuyer bouillant, querelleur et orgueilleux de la chanson des Enfances à celui du chevalier plus réfléchi, plus mûr, de la branche d’Aleschant ; il n’a pas retouché certains traits à peine ébauchés, qui auraient mérité d’être mis en relief pour mieux assurer l’harmonie générale.

Le système des rimes, variant dans les différentes chansons, trahit aussi le défaut de la lime.

Somme toute, qu’on accorde à nos chansons le titre d’épopée ou non, on conviendra sans peine qu’elles contiennent une poésie grande et noble, qu’elles brillent par des scènes de détail du plus haut intérêt et d’une plasticité émouvante.

Cela n’empêche pas qu’il n’en soit de la geste de Guillaume d’Orange comme de toutes les chansons épiques populaires du moyen âge : „tombées depuis longtemps dans un discrédit général, il est douteux que le goût moderne consente à les remettre en honneur.” Cependant, plus on étudie le moyen âge, plus on reviendra des préjugés qui l’ont fait méconnaître et déprécier d’une manière trop absolue ses productions artistiques et littéraires. L’étude sérieuse des monuments empreints du cachet de ce génie populaire qui mérite toute l’attention, toute la sympathie des penseurs, finira par faire tomber toute préoccupation hostile et par remettre la vérité en lumière.




Les dernières lignes montrent assez dans quel but et dans quel esprit ce travail a été entrepris. Si le désir de soulever un coin