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et sous son heaume sa cervelle n’est pas en sûreté. Mais Dieu ne voulut pas qu’il mourût, avant d’avoir rencontré le comte Guillaume qui devait l’ensevelir.

De son côté Bertrand avait déjà soutenu maint choc, lorsqu’il vit venir à lui cette nuée de nouveaux combattants tout noirs, qui lui semblaient cornus, comme une légion de diables. Il n’osa les attendre, et lui aussi allait fuir. Il remarqua au milieu d’eux Vivian, frappant à droite et à gauche, et criant :

— Monjoie ! Oncle Guillaume, venez à mon secours ! Ah ! Bertrand, quel mortel embarras ! Guibor, vous ne me reverrez pas vivant, il n’y a pas moyen d’échapper à la mort.

En entendant ce cri, Bertrand sentit tout son sang bouillir dans ses veines, et il répondit en homme de cœur :

— Vivian, je serais un lâche, si je n’allais vous aider de ma bonne épée. Je veux au moins mourir, si je ne puis vous sauver.

Sur ce, il éperonne son destrier et se jette sur les païens. Il frappe de manière à rappeler les hauts faits de Roland et d’Olivier. Il parvient jusqu’à Vivian. Il le voit tout couvert de sang, et l’embrassant avec douleur, lui dit :

— Pour l’amour de Dieu, mon cousin, retirez-vous à l’écart et allez-vous coucher sur le bord de cet étang ; le sang ne cesse de couler de vos larges blessures. Moi je resterai, pour couvrir votre retraite.

Vivian le reconnaît à la voix, mais il lui est impossible de redresser la tête. Il se pâme sur le cou de son cheval, et sans les étriers il serait tombé à terre.

En ce moment le roi Haucebier s’avança vers eux à la tête d’une forte troupe.

— Dieu ! fit Bertrand en l’apercevant, Dieu tout-puissant, secours-moi ! Vivian, je ne pourrai empêcher ta mort et je ne pourrai pas me garantir moi-même.

À ces mots Vivian répondit en frémissant :

— Nous n’avons pas de temps à perdre ; frappons-les