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bert, coupe l’éperon du pied gauche et va s’enfoncer dans la terre.

Guillaume, croyant qu’il avait affaire à un Sarrasin, retint son cheval et lui dit :

— Ah ! païen maudit, que le père qui t’engendra et la mère qui te mit au monde soient honnis ! Depuis que je fus armé chevalier par Charlemagne, jamais je ne vis un coup comme celui que tu viens de me porter, et que je te paierai, s’il plaît à Dieu.

Il leva son épée et l’eût tué, lorsque Vivian lui répondit :

— Arrêtez, chevalier. Je ne puis vous voir ; mais puisque vous venez de nommer l’empereur Charles, je comprends que vous êtes de France. Je vous conjure par le baptême qui vous a racheté, de me dire votre nom.

— Païen, répondit Guillaume, jamais je ne l’ai caché ; je me nomme Guillaume, le marquis au court nez. Aymeric à la barbe est mon père ; j’ai sept frères, qui tous portent les armes, et Vivian est mon neveu, pour qui je suis entré en campagne.

Quand Vivian sut que c’était au comte Guillaume qu’il avait fait sentir le poids de son épée, il tomba pâmé de douleur.

Guillaume en fut tout étonné, et le soutenant dans ses bras, il lui demanda :

— Pour Dieu, qu’avez vous ? Qui êtes-vous et de quel pays ?

Vivian ne put lui répondre tout de suite ; mais enfin ayant tout à fait repris ses sens, il dit :

— Vous ne me reconnaissez donc pas ? Je suis le fils de Garin d’Anséune, votre neveu lui-même.

À ces mots tout le sang de Guillaume reflua vers son cœur ; jamais, depuis le moment de sa naissance, il n’avait éprouvé une douleur pareille à celle qu’il éprouva en voyant Vivian dans un si triste état, couché par terre et perdant ses boyaux.