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laissent au milieu du champ, entouré des siens. Ils étaient vingt ou quarante tout au plus, et tous étaient blessés. Vivian crut que les païens prenaient la fuite.

— Courons après eux, dit-il. Ne craignons pas la mort, puisque Dieu nous attend en paradis. J’entends les anges qui chantent au-dessus de nos têtes. Dieu ! pourquoi ne pas expirer en ce moment de joie. Mon âme serait avec les innocents. Cependant je prie Dieu de ne pas me laisser partir de ce monde, avant d’avoir revu le noble Guillaume et d’avoir communié.

En ce moment Bertrand et ses dix mille, tous désireux de frapper, s’approchent. Leur cors et leur trompettes sonnent la charge. Enfin les principaux chefs sarrasins courent s’armer, Roart de Salerne, Margot le Saxon, même Haucebier et le roi Clariel, qui cependant ne voulut pas se couvrir d’un heaume.

Voilà Guillaume qui galope par la plaine à la tête de dix mille chevaliers de sa terre. Ils baissent les lances ; le cri de „Monjoie !” retentit et ils tombent sur l’ennemi.

Le comte Bertrand porte un tel coup à Joce de Rudele, le neveu et le conseiller de Desramé, qu’il lui perce l’écu et le haubert et l’abat mort. Ses compagnons suivent son exemple ; sept mille Turcs mordent la poussière au premier choc.

Gautier-le-Toulousain abat Avon, un roi d’Orient, tout noir et tout vélu. Du côté des païens, Macebrun, roi de Garesque, nous tue Guion de Melun ; mais il fut bientôt vengé par Gaudin-le-Brun, qui pourfendit le Sarrasin de la tête aux éperons. Son cadavre tomba à terre et son âme fut emportée et jetée en enfer par des anges à figure de scorpion.

Le bruit et le tumulte allaient grandissant. Vivian est resté presque seul. Quand il entendit qu’on venait à son secours et qu’on lui nomma les chefs des Français, son ardeur guerrière se ranima.

Il fit rebander ses plaies béantes et cria à ses compagnons :