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Et le soudan dit aux siens :

— C’est Vivian qui vient de m’abattre ; s’il nous échappe encore, malheur à vous.

Alors les païens assaillirent Vivian avec fureur. Ils lancent vers lui leurs épieux et leurs javelots, et abattent son cheval sous lui. Le jeune homme sauta à terre et courut sur eux l’épée haute. Celui qu’il en atteint tombe mort. Mais il semblait pleuvoir des ennemis. Par quatre fois il est blessé par leurs dards, et à trois reprises il est jeté par terre. Si Hunaut et Gautier de Termes n’étaient venus à son secours avec leurs gens et ne l’eussent relevé, il eût trouvé la mort ; car la perte de sang l’avait rendu si faible, qu’il perdit plusieurs fois connaissance.

Le combat qui se livra autour de lui dura longtemps. Enfin Vivian reprit ses sens. On banda ses cinq blessures mortelles avec son bliaut, et on le remonta sur un cheval ; la seule bonté de Dieu l’empêcha de mourir.

Vivian regarda de tous côtés ; de ses cinq cents hommes il ne restait que trois cents.

— Mon Dieu, dit le jeune homme, l’heure de la mort est arrivée, puisque j’ai perdu mes hommes et mes chevaliers. Ah ! Girard, pourquoi m’avez-vous oublié, vous qui deviez m’amener du secours ? Mais non, si vous ne revenez pas, c’est que vous êtes mort. Oncle Guillaume, noble Guibor, vous ne me reverrez plus jamais ! Ma vue se trouble, je n’y vois plus clair, et j’ai perdu tant de sang que je n’ai plus la force de diriger mon cheval. La mort n’est pas loin ; il faut dire adieu à ce monde.

Cela dit, il laissa aller son cheval à l’aventure, et ayant rencontré Gautier sur son chemin, il le frappa de son épée. Heureusement il ne l’a pas blessé.

Lorsqu’il reconnut sa méprise il dit à Gautier :

— Ne m’en veuillez pas ; Dieu sait que je ne puis vous voir. Je suis tellement blessé que le sang s’en est allé de toutes mes veines, voilà pourquoi je vois à peine la clarté