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tous ses hommes l’avaient quitté, je ne sais pourquoi. Il venait pour se plaindre à moi. Je ne pus embrasser mon neveu, et il en était si courroucé, qu’il se sépara de moi sans proférer une parole et s’en alla en pays étranger. — J’en augure qu’il a succombé sous le nombre de ses ennemis et que les Sarrasins l’ont si malmené....

Avant qu’il eût fini, Girard s’adressa à lui de cette manière :

— Que ce Dieu qui réside en la Trinité, qui nous donne le soleil et la lumière, protége le marquis au court nez, et son épouse, que je vois là-bas, ainsi que ses amis, ses barons et ses pairs.

— Mon ami, que Dieu vous garde aussi. Vous êtes Chrétien, puisque vous invoquez le nom du Seigneur. Racontez-nous ce que vous avez à nous apprendre, et commencez par me dire votre nom.

— Au nom de Dieu, mon oncle, ne me reconnaissez-vous donc pas ? Je suis votre neveu Girard, le fils de Beuves de Commarchis.

À ce mot Guillaume se jeta à son cou. Bertrand lui ôta son heaume et Guibor lui détacha sa pesante épée. Le comte Guillaume lui-même l’aida à dépouiller son haubert, et il vit que son sang coulait de plusieurs blessures.

— Au nom de Dieu, dit-il, beau neveu, dites-moi la vérité, qu’avez-vous à dire de Vivian ?

— Je vous dirai la vérité. Vivian est au pouvoir des Sarrasins ; si Dieu ne lui vient en aide, vous ne le reverrez plus jamais. Lui et les siens ne peuvent tenir tête en l’Archant aux forces bien supérieures de l’ennemi. Je ne sais qui a averti Desramé, mais par une belle nuit il a abordé à Aleschant-sur-mer accompagné de plus de trente rois et d’un si grand nombre de soldats qu’un savant clerc ne pourrait les compter. Et Vivian fut si inconsidéré, qu’il ne voulut pas battre en retraite. Les Sarrasins nous provoquèrent, nous les attaquâmes comme vous le pensez. Que