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famille que les païens m’ont fait reculer d’une semelle. Quand la nouvelle sera portée au noble Aymeric, au comte Guillaume, à Guibor et à tous les miens, notre martyre sera consommé. En trouvant nos cadavres ils ne diront pas que nous n’avons pas accompli notre devoir.

Ceux qui étaient blessés se couchèrent pour chercher quelque repos, et les autres montèrent aux murs pour disposer leurs moyens de défense.

Quand on annonça à Desramé que Vivian avait trouvé un abri dans le vieux castel, il en fut fort contrarié :

— Nous sommes bien malmenés par ces misérables, dit-il ; ils nous ont fait perdre quinze mille hommes. Mais leurs remparts ne leur serviront pas à grand’chose ; bientôt ils seront morts ou exténués. Nous allons les assiéger.

Le lendemain au point du jour le château fut investi de toutes parts. Desramé avait fait dresser sa tente devant les murs, ainsi que les trente rois qui l’accompagnaient. Ils ne lèveront le siège que quand leurs ennemis seront morts ou vaincus.

Au dedans, le brave Vivian gisait dans un triste état. Il saignait de toutes ses blessures, et ses hommes d’armes se trouvaient dans de fort mauvaises conditions : tel était contusionné, tel autre, blessé grièvement ; presque tous avaient la tête bandée.

Vivian se livra à toute sa douleur :

— Helas ! dit-il, notre situation est désespérée. Nous voici assiégés de toutes parts, et nous n’avons ni pain ni blé. Il est impossible de rester ici. Y a-t-il parmi vous quelqu’un d’assez hardi pour aller trouver Guillaume au court nez, soit dans le Bordelais, où le comte se trouvait à notre départ, soit à Orange, je ne sais où, pour lui dire d’assembler ses barons et de me secourir au nom de Dieu ?

— J’irai moi, lui dit Girard, si vous le permettez ; je parle assez bien la langue des Sarrasins, je pourrai me glisser à