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troupe, l’armée poussera droit à Orange ; la ville sera pillée et saccagée, la douce France conquise et Desramé en sera couronné roi.

Desramé entra dans son navire avec les chefs les plus redoutables, auxquels il ne cessa de se plaindre de Vivian.

— Ne vous désolez pas, lui répondirent-ils. Si nous trouvons Vivian en Aleschant, il sera mis entre vos mains, mort ou vif.

Et Aarofle, le plus redoutable de tous, ajouta :

— Ne craignez rien ; si je ne le tue pas, vous n’aurez plus jamais foi en ma parole.

Ah ! Seigneur Dieu, ayez pitié de Vivian qui est campé en l’Archant avec quelques milliers d’hommes d’armes seulement ! Il a toujours tué les païens, partout où il les a rencontrés, sans faire grâce à un seul. Ah ! que ne connait-il actuellement leur intention de le surprendre dans son camp ! Il y en a tant, que contre un des nôtres il y en a cent. Dieu ! quel malheur que Guillaume au court nez, ou dame Guibor, qui pendant sept ans l’a tendrement élevé, n’en sachent rien ! Par eux le brave Vivian eût été secouru ! Mais Vivian avait tant de fierté dans l’âme, que, même lorsqu’il succomba sous le nombre et quand il fut blessé en dix endroits, de blessures dont la moindre eût fait mourir un émir, il n’appela pas son oncle à son secours.

Cependant la flotte des ennemis s’avance ; leurs cris de rage font retentir la mer, et bientôt ils seront en Aleschant-sur-mer.

C’était au printemps, quand les oiseaux recommencent à chanter et les bocages à fleurir, que le jeune héros entendit un grand tumulte du côté de la mer. Il appela Girard, Guibert de Sarragosse, Gautier de Blaives, Hunaut de Saintes, et maint autre chevalier, et leur dit :

— Entendez-vous ce bruit en mer, ces cors et ces trompettes qui retentissent ?

Il regarda à sa gauche, et bientôt apparut à ses yeux