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à moins qu’il ne veuille se laisser tuer. Beau neveu, ce vœu ne peut pas s’accomplir. Vous êtes jeune, ne commettez pas une telle folie. S’il vous arrive de combattre, fuyez bien vite, si c’est nécessaire, et retournez au combat, quand il y aura lieu. C’est ainsi que je fais, quand je suis trop encombré, et je n’attends pas d’être mis hors de combat. Qui ne songe à soi-même ne peut aimer autrui. La fuite est permise quand elle sauve la vie.

— Mon oncle, reprit le brave Vivian, je ne reculerai pas d’un pied devant un Sarrasin ou un Turc, je le jure devant Dieu !

— Neveu, dit Guillaume, ce serment me chagrine d’autant plus, que de cette manière, j’en suis certain, vous ne vivrez pas longtemps ; les Sarrasins vous tueront, et je vous pleurerai avec tous nos parents.

Leur entretien en resta là.

Vivian, dès ce moment, commença à propager par les armes la religion du vrai Dieu. Il fit tant qu’il eut bientôt sous ses ordres bon nombre de combattants, tous jeunes guerriers munis de bons chevaux. Avec lui se trouvaient Girard-le-hardi, le fils de Beuve de Commarchis, Guibelin et Bertrand de Terragone, le preux Hunaut de Saintes, et maints autres compagnons que je ne vous nommerai pas.

Ils entrèrent en Espagne et ravagèrent la terre des mécréants ; ils tuèrent les femmes et massacrèrent les enfants.

Vivian fit crier dans toute son armée cet ordre : quiconque pourra prendre un mécréant, qu’il ne lui demande ni or ni argent pour se racheter, mais qu’il lui coupe la tête.

Sept ans tout pleins Vivian agit de la sorte ; il ne s’abstint pas un jour de tuer les Sarrasins. Les malheureux crièrent atterrés :

— Ah ! Guillaume, comme vous nous maltraitez ! Votre lignage nous frappe durement ! Desramé, Sire, pourquoi tardez-vous à réunir vos amis et votre peuple ; tandis que ce diable vous fait tant de tort !