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terreur ; cependant ils s’arment pour se défendre et sortent de leurs hôtels. Mais la résistance ne leur sert à rien, car les Français sont trop nombreux. Bertrand se rend maître de toute la ville, non cependant sans un combat meurtrier, dans lequel mainte lance vola en éclats, maint haubert fut démaillé, et beaucoup de Sarrasins furent tués.

Quand Arragon vit massacrer ses gens, la douleur qu’il en ressentit le mit hors de lui. Il sauta en selle, prit un écu, qu’il arracha à l’un des Français, et voyant une lance par terre à ses pieds, il se baissa et la ramassa ; puis piquant des deux, il lança son cheval au plus fort de la mêlée. D’abord il tua Fouché de Méliant, puis un second et enfin un troisième. Bertrand le remarque et tirant son épée, il se jette sur l’émir et n’épargne pas ses coups. Il lui en donne un si furieux qu’il le pourfend jusqu’au milieu de la poitrine et le jette mort par terre.

Sa mort ôta toute force et tout courage aux païens.

Pourquoi allonger le récit du combat ? Des flots de sang inondèrent la terre et pas un n’échappa au carnage.

Cependant le comte Guillaume se hâta de courir à la prison et de délivrer la belle Orable. Puis il appela Bertrand et lui dit :

— Beau neveu, j’ai promis ma foi à cette belle dame qui m’a sauvé de la mort, et je compte l’épouser loyalement.

— Pourquoi tarderiez-vous ? fit Bertrand. Tenez la parole que vous lui avez donnée et épousez la gaiment.

— Neveu, répondit Guillaume, je suis parfaitement de votre avis.

Aussitôt que la ville fut entièrement au pouvoir des Français, le brave et noble comte Guillaume fit apprêter une grande cuve pleine d’eau claire. L’évêque de Nîmes était venu avec eux. On déshabilla Orable et elle fut baptisée à la plus grande gloire de Dieu. Ses parrains furent Bertrand, le brave Guibelin et Gilbert ; on lui ôta son nom païen et elle fut nommée du nom chrétien de Guibor.