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Laissons pour un moment les Sarrasins et revenons au messager Gilbert.

Il traversa le Rhône, et alla par monts et par vaux tout droit à Nîmes.

Le comte Bertrand s’était levé de grand matin et était monté au palais d’Otrant qu’il avait conquis ; il alla s’accouder à une des grandes fenêtres et se mit à regarder la contrée qui était à ses pieds. L’herbe était fraîche et les rosiers en fleurs ; le merle et l’alouette chantaient. Il se mit à penser à Guillaume au court nez et à son frère Guibelin. Les larmes lui vinrent aux yeux et il exprima ses regrets en ces paroles :

— Oncle Guillaume, tu as fait une grande folie en allant à Orange comme espion, déguisé en pauvre diable. Ah ! frère Guibelin, comme tu étais brave ! En ce moment les Sarrasins vous ont tués et je suis seul en ce pays, sans personne de mon lignage à qui je pourrais demander conseil. Les Sarrasins et les Esclavons reviendront bientôt ici, et à leur tête Golias et le roi Desramé, Clariel et son frère Acéré, Aguisant, Griboé, le roi Embron, Borrel, Lorré, Quinzepaume et son frère Gondré. Tous les trente rois d’Espagne. Chacun d’eux sera à la tête de trente mille guerriers et ils viendront assaillir la cité de Nîmes. S’ils me prennent vif, ils me feront certainement souffrir une mort ignominieuse. Mais je ne les attendrai pas pour tout l’or du monde ; je retournerai dans le pays qui m’a vu naître, et je remmènerai avec moi mes hommes d’armes que Guillaume au court nez a conduits ici. Quand j’arriverai à Paris et que je descendrai au perron du palais, les jeunes gens viendront à ma rencontre. Hélas ! que leur dirai-je quand ils me demanderont des nouvelles de Guillaume et de mon frère Guibelin ? Je ne saurai leur dire que ceci, que les païens les ont tués à Orange.

La douleur lui fit perdre connaissance. Quand par les soins de ses compagnons il fut revenu à lui, il reprit :