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Seigneur émir, prêtez l’oreille à mes paroles. Votre père Thibaut, dont vous êtes le lieutenant, sait mieux que personne ce qu’il convient de faire. Si vous brûliez sa femme, vous attireriez sur vous sa colère ; mais faites jeter ces chevaliers, ainsi que dame Orable, en prison, envoyez un messager en Afrique ; votre père et Haucebier seront bientôt ici, et ils se vengeront comme ils jugeront convenable.

— Voilà un bon conseil, dit Arragon, je le suivrai en tout point. Quant au messager, il est depuis longtemps en route vers mon père ; dans peu de jours il sera de retour.

Ils jettent Guillaume, Guibelin et dame Orable en prison. Que Dieu, qui gouverne le monde, pense à eux ! La reine surtout se plaint de son malheur.

— Mon Dieu ! dit-elle, que n’ai-je reçu le baptême ; je le désirais fortement, et je ne demandais qu’à croire en Dieu. Ah ! seigneur Guillaume, c’est pour mon malheur que j’appris à connaître votre beauté et vos prouesses, puisque vous êtes cause que me voilà en prison et traitée en femme adultère.

— C’est folie que de parler ainsi, dit Guibelin ; vous et mon oncle, vous êtes en ce moment parfaitement heureux. Votre amour doit vous faire oublier tout votre mal.

Guillaume enragea en entendant ces railleries ; il jura par saint Jacques qu’il aurait envie de le punir à coups de poings, si la crainte de faire une chose honteuse ne le retenait.

— Vous commettriez une grande folie, riposta Guibelin. Je répéterai à qui veut l’entendre : on l’appelait Guillaume Bras-de-fer, désormais on dira : Guillaume-l’Amoureux ; car c’est bien l’amour qui vous a poussé vers Orange.

Tous les trois ils se sentaient bien malheureux en prison.

— Glorieux roi du ciel ! fit le comte, notre malheur est certain, notre mort inévitable. Quelle folie de nous aller jeter dans une entreprise qui ne nous rapporte que honte et malheur ! À moins que Celui qui jugera le monde