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pas et rentrent dans Gloriette. Mieux leur eût valu qu’ils fussent partis ou qu’ils n’eussent pas quitté la prison ; car ils n’ont rien dit ou fait qui n’ait été vu et entendu par un Sarrasin, qui est allé tout conter à Arragon. Quand il l’eut trouvé, le rusé compère lui dit :

— Seigneur émir, prêtez l’oreille et entendez ce que votre belle-mère a fait de vos prisonniers. Elle les a fait sortir de prison et les a conduits à l’étage supérieur du palais ; en ce moment ils sont à table et font bonne chère.

— Dis-tu vrai, messager ?

— Seigneur, je ne vous conte pas de mensonges ; j’ai vu qu’ils tenaient conseil à voix basse et qu’elle les embrassait l’un après l’autre. Elle les aime mieux que votre père et elle coucherait plus volontiers avec Guillaume qu’avec lui.

Arragon demeura stupéfait. Il appela ses hommes et leur dit :

— Barons, conseillez-moi comment je pourrai punir ma belle-mère qui m’a déshonoré et trompé mon père. Armez-vous. Celui qui sera prêt à temps pour que nous puissions les reprendre, recevra une belle récompense.

Ils s’arment en foule, et à leur tête Arragon va surprendre Guillaume. Ils le trouvent assis tranquillement sous l’arbre, jouant aux échecs avec dame Orable et le preux Guibelin, et ils parviennent à se rendre maîtres d’eux. Tous jurent de se venger. Pharaon dit au roi :

— Seigneur émir, voici mon opinion. Ton père Thibaut, qui est noble et preux, te confia la ville et le château de Gloriette ; ces misérables ont voulu s’en rendre maîtres et ont blessé et tué tes hommes ; par Mahomet ! tu ne vaux pas un liard, si tu ne les fais pas tailler en pièces, et si tu ne fais pas brûler ta marâtre qui t’a tellement deshonoré.

— Roi Pharaon, vous donnez un mauvais conseil, dit Esquanor aux cheveux blancs. Ne commencez pas cette folie ; tel se laisse entraîner qui ne peut plus s’arrêter.