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Louis, le fils de Charles, eût de vos nouvelles, ainsi que le seigneur Bernard de Brebant et les autres avec Aymeric et tous vos puissans parents, et que les misérables païens ne sussent rien de ce secours, avant qu’il fût arrivé dans cette forteresse, vous pourriez bien vous rendre maîtres de cette province et des défilés et passages qui conduisent en Espagne.

— Que vous parlez bien, madame, dit Guibelin. Si nous pouvions sortir de cette prison, je serais votre serviteur, ma vie durant.

— Par ma foi ! fit la reine Orable, si j’étais certaine d’être payée de ma peine, c’est-à-dire que Guillaume Bras-de-fer voulût me prendre pour femme, je vous ferais sortir tous trois de prison, et me ferais baptiser au plus vite.

Quand Guillaume entendit ces paroles, il rayonna de bonheur.

— Dame, dit-il, je vous donnerai tel gage que vous demanderez. Je vous jure par Dieu et par saint Jacques, ainsi que par l’apôtre que l’on implore à Rome, que je vous épouserai.

— Je ne demande pas d’autre gage, dit la dame. Et là-dessus elle ouvrit toutes les portes de la prison ; et les barons reprenant courage en sortirent l’âme remplie de joie.

La dame conduisit les chevaliers dans une des salles du palais et leur fit servir à dîner. Quand ils furent pleinement rassasiés, elle leur adressa la parole en ces termes :

— Seigneurs barons, entendez-moi. Vous voilà hors de prison et revenus dans le palais, mais vous n’êtes pas encore sauvés. J’espère cependant vous tirer de là, et je vais vous dire comment. Il y a sous cette tour un passage souterrain, qui n’est connu de personne ; mon ayeul le fit construire et percer jusqu’au Rhône. Si vous envoyiez par ce chemin un messager au comte Bertrand et aux autres chevaliers, afin qu’ils vinssent vous trouver en secret, de façon à ce que les païens sans foi ne s’en aperçussent que quand vos amis seraient dans la tour et leur feraient sentir le poids de leurs épées, vous pourriez vous rendre maîtres de la cité.