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Cependant Guillaume, Gilbert et Guibelin étaient toujours en prison ; la colère et la douleur leur arrachèrent mainte plainte.

— Seigneur Dieu ! s’écria le comte, nous voilà livrés à la mort et au martyre. Dieu ! si le noble roi Louis connaissait notre sort, et mon frère Bernard aux blancs cheveux, et le puissant Garin d’Anséune et Beuve de Commarchis, et mon vaillant neveu Bertrand, que nous avons laissé à Nîmes avec vingt mille guerriers français ! Nous aurions bien besoin de leur secours.

— Oncle Guillaume, lui répondit le gentil Guibelin, tout cela ne nous servira de rien ; mandez plutôt Orable, la reine d’Afrique, qu’elle vienne par amour secourir son amant.

— Dieu ! fit Guillaume, tu ricaneras tant que tu me briseras le cœur.

Pendant qu’ils se plaignaient de la sorte, voici Orable qui était parvenue à s’introduire dans la prison. Elle leur parla en ces termes :

— Nobles et gentils chevaliers, faites bien attention à ce que je vais vous dire. Les Sarrasins vous haïssent d’une haine mortelle ; ils viendront vous pendre aujourd’hui ou demain.

— Nous n’en pouvons mais, madame, dit Guibelin. Mais si vous pouviez trouver le moyen de nous faire sortir de prison, gentille dame, je deviendrais votre homme lige et je vous en rendrais volontiers le service. Ayez pitié de nous, gentille dame.

— Allons donc, fit Guillaume, c’est elle qui nous a trahis ; c’est par elle que nous gisons en cette prison.

Quand elle entendit cette accusation, la dame soupira profondément.

— Seigneur baron, dit-elle, je jure par Mahomet que c’est à tort que vous mettez ce blâme sur moi. Oubliez-vous donc que c’est moi qui vous ai fourni des armes en cette tour ? Je suis venue pour vous aider encore. Si vous pouviez vous défendre en ce palais jusqu’à ce que