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— Par Mahomet ! fit Arragon, tu dis vrai. Je te jure que tu en seras récompensé.

Le cœur palpitant de joie, Arragon prit mille hommes armés, avec lesquels il descendit dans le souterrain, éclairé par des flambeaux et des lanternes. Mille autres recommencèrent l’assaut de la tour.

Les chevaliers français ne se doutèrent pas de ce qui les menaçait avant qu’Arragon eût atteint son but et fit irruption dans le palais. Le comte Guillaume fut le premier à les apercevoir : tout-à-coup il vit la salle se remplir de Sarrasins accourant en toute hâte et armés de pied en cap.

— Mon Dieu ! s’écria le comte, nous voilà livrés à mort !

— Ma foi, beau sire, lui dit Guibelin, c’est la belle Orable qui nous a trahis. Que Dieu confonde païens et Sarrasins ! Aujourd’hui notre vie va finir ; défendons-nous tant que nous pourrons ; mais nous ne trouverons ni parents ni amis pour nous secourir.

Le comte Guillaume s’élance l’épée haute, et en porte un coup si furieux au premier Sarrasin qui se présente, qu’il le coupe en deux. Les païens en sont tout ébahis, mais la colère les pousse en avant. Les paladins se défendent en chevaliers hardis ; mais les assaillants sont si nombreux qu’il leur faut succomber. Jamais combat inégal ne fut si bien soutenu. Ils tuèrent trente Turcs, mais en vain, puisqu’ils ne purent venir à bout de tous. Enfin les Sarrasins mirent la main sur eux, jurant qu’ils vengeraient la mort des leurs.

Ils envoyèrent chercher dans la ville vingt ouvriers auquels ils firent creuser une fosse large et profonde dans laquelle on entassa des branches d’arbres et des morceaux de bois, parce qu’ils voulaient brûler les barons.

En ce moment Orable, à la blanche face, survint et, s’adressant à Arragon, son beau-fils, lui dit :

— Mon ami, cédez-moi ces prisonniers ; je les mettrai dans un trou profond, où ils seront dévorés par les serpents et les couleuvres.