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Lorsqu’il entendit ces paroles, Guillaume, hors de soi, courut vers l’arbre sous lequel se tenait la reine, et dit :

— Dame, par amour pour ce Dieu qui fut martyrisé sur la croix, donnez-moi une armure, et si je sors vivant d’ici, je vous jure par saint Pierre que vous en serez richement récompensé.

Quand la dame vit son angoisse, elle pleura de pitié et, sans hésiter, elle courut à un bahut dont elle tira un haubert doré et un heaume bruni, orné d’or et de pierres précieuses, qu’elle présenta à Guillaume. Celui-ci se hâta de vêtir le haubert qui venait combler ses désirs ; ensuite il laça le heaume et dame Orable lui ceignit une épée qui appartenait à Thibaut d’Esclavonie, son mari, qui jamais n’avait voulu la céder à personne, pas même à Arragon, son propre fils, quoique celui-ci en eût grande envie. Après cela elle lui pendit au cou un fort écu au lion d’or couronné ; enfin elle lui mit au poing un fort épieu, auquel un gonfanon était fixé par cinq clous d’or.

— Seigneur ! s’écria Guillaume, comme me voilà bien armé ! Maintenant, madame, je vous prie de penser aussi aux autres.

Lorsque Guibelin vit son oncle armé, de son côté il s’adressa à la dame et lui dit d’une voix douce :

— Madame, je vous adjure par saint Pierre de Rome, donnez-moi des armes, car j’en ai grandement besoin.

— Enfant, lui répondit-elle, tu es bien jeune ; si tu pouvais vivre tu serais un jour un preux ; mais les Sarrasins te haïssent à mort.

Cependant elle tira d’un cabinet une armure qui avait été forgée par Isaac de Barcelone et dont jamais épée ne put rompre une maille. Elle l’en revêtit, à la grande joie du comte ; puis elle lui laça le heaume qui avait appartenu à Aufar de Babylone, le premier qui avait été roi d’Orange. Il était à l’épreuve de l’épée. Ensuite elle lui ceignit une fameuse épée que Thibaut avait payée mille besans et