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xv

Toulouse. Le duc d’Aquitaine vola au secours de sa capitale. Après un combat meurtrier les Sarrasins furent défaits, et, sous le commandement d’Abd-Alrahman (Desramé), regagnèrent tant bien que mal l’Espagne.

Cependant Abd-Alrahman étant parvenu en 730 à la tête du gouvernement de l’Espagne, voulut venger les échecs précédemment essuyés, et entra en France avec l’armée la plus formidable qu’on eût vue. Il s’avança en brûlant tout sur son passage et prit Bordeaux. En vain le duc d’Aquitaine essaya-t-il de l’arrêter : il fut battu, et ne se trouvant pas en état de tenir la campagne, il alla invoquer l’appui de Charles-Martel, quoiqu’il vécût en mésintelligence avec lui. Les deux ennemis se réconcilièrent ; Charles marcha à la rencontre des ennemis et les joignit sur les bords de la Loire, où un combat terrible se livra près de Poitiers. Il dura tout le jour, la nuit seule sépara les deux armées. Le lendemain l’action recommença, mais Abd-Alrahman ayant été tué, la victoire se déclara en faveur de Charles. Les Sarrasins décampèrent à la faveur de la nuit ; le vainqueur se contenta de piller leur camp et, après avoir partagé les dépouilles entre ses soldats, repassa la Loire.

Les souvenirs de ces événements ont peut-être suffi pour suggérer l’idée de la seconde partie de la chanson d’Aleschant, qui par certains détails semble descendre en ligne directe des chants plus anciens qui bien certainement ont glorifié la victoire de Poitiers. Effectivement plusieurs tableaux de cette partie de la chanson ont un grand caractère d’ancienneté, et la fin rappelle en tout point l’issue de la bataille de Poitiers : les Sarrasins mis en fuite, Guillaume fait distribuer à ses guerriers le butin conquis, et l’armée franque rentre dans ses foyers.

Que si l’on voulait m’objecter que probablement le duc d’Aquitaine ne fut pour rien dans cette bataille gagnée par Charles, dont la chanson ne parle pas, je ferais observer que déjà Paul Diacre affirme que ce fut le duc d’Aquitaine qui, en arrivant inopinément avec un fort détachement sur le champ de bataille, décida la victoire. Je me range de l’avis de Dom Vaissette qui présume que probablement cet auteur s’est trompé en confondant les batailles de Toulouse et de Poitiers ; mais cela prouve toujours que dès le huitième siècle les souvenirs de ces deux combats s’entremêlèrent.

Passons au Moniage. L’idée en a été bien certainement suggérée par la réalité. On sait que le duc d’Aquitaine bâtit un monastère dans la partie la plus sauvage des environs de Lodève. Il paraît