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Il est si riche, qu’il ne se soucie guère d’or ni d’argent ; il nous rendit la liberté sans demander de rançon. Mais il nous fit jurer de vous dire qu’il vous ordonne de repasser la mer et de vous retirer en Afrique. Vous ne verrez pas passer le mois de Mai, sans qu’il vienne vous attaquer avec vingt mille hommes d’armes. Vos tours et vos forteresses, vos fossés et vos hautes murailles ne vous serviront de rien : elles seront abattues de vive force. Et s’il peut se rendre maître de votre personne, vous serez martyrisé ; il vous pendra à un gibet où vous serez balancé par le vent.

— Folies ! dit Arragon. J’enverrai en Afrique, et mon père sera bientôt ici avec sa noble chevalerie, Goliat et le roi Desramé, Corsolt de Mable et son frère Acéré, Clariel et le roi Atriblé, Quinzepaume et le roi Sorgalé, l’émir d’Égypte et celui de Cordoue, les roi Morand et Anublé, ainsi que l’émir de Sorgremont-sur-mer, et mon oncle Borrel et ses fils, enfin les trente rois qui règnent en Espagne, et chacun d’eux amènera vingt mille hommes ; alors nous attaquerons l’ennemi derrière ses murailles et ses fossés ; Guillaume sera tué et l’on pendra ses neveux.

Guillaume eut toute la peine du monde à contenir sa rage ; il murmura entre ses dents :

— Par Dieu ! glouton, vous en avez menti ; vos Turcs mourront par milliers, avant que vous soyez les maîtres dans Nîmes.

S’il avait été armé, il aurait déjà porté l’effroi dans le palais ; mais il fit tout pour contenir sa colère, et donnant un autre tour à la conversation, il dit au roi :

— Sire, laissez-moi voir la reine que l’empereur d’Afrique aime tant.

— C’est une folie de sa part, répondit Arragon, car il est vieux et sa barbe est blanche ; tandis qu’elle est jeune et belle ; il n’y a si belle femme dans tout notre empire. Elle mène joyeuse vie dans Gloriette, et je suis sûr qu’elle préférerait Soribant de Venise, qui est un jeune bachelier