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voudront ; ils subiront bien des peines et courront beaucoup de dangers.

Cependant, déguisés comme ils étaient, et parlant la langue des ennemis, ils ressemblent parfaitement à des Sarrasins et passent devant la garde sans éveiller de soupçon. Ils arrivent jusqu’au palais du roi Thibaut.

Les murs et les colonnades en sont de marbre, les fenêtres incrustées d’argent, et au faîte brille un aigle d’or. Le soleil en est exclu aussi bien que la pluie.

— Dieu ! fit Guillaume, jamais on ne vit un palais si bien bâti ; le maître de céans doit être bien riche. Plût à Dieu que le paladin Bertrand fût ici avec dix mille guerriers français ! Les Sarrasins s’en apercevraient pour leur malheur ; avant midi j’en aurais tué plus de cent de ma main.

Ils trouvent Arragon assis contre un pilier et entouré de sa cour ; il y va de la vie pour Guillaume, s’il ne joue pas bien son rôle. Or voici comment il parla :

— Seigneur émir, noble chevalier, que Mahomet et Tervagant te bénissent !

— Barons, répondit l’émir, approchez-vous, et dites moi d’où vous venez ?

— D’Afrique, de votre père, le puissant roi Thibaut. Hier, à l’heure de none, nous entrâmes à Nîmes, pensant y trouver le noble roi Otrant, Synagon et Harpin ; mais ils ont été tués par Guillaume et les chevaliers français. Ils tuèrent aussi nos hommes et nous-mêmes on nous fit prisonniers ; mais Guillaume est si bien entouré de parents et d’amis, qu’il dédaigna de nous garder ; il nous fit rendre la liberté, je ne sais trop pourquoi. Que le diable l’emporte !

— Vous venez redoubler ma douleur, répondit Arragon. Par Mahomet ! si je tenais Guillaume en ce château, il mourrait dans les tourments et ses cendres seraient jetées au vent.

En entendant ces paroles Guillaume baissa la tête sur sa