Page:Guillaume d’Orange, le marquis au court nez (trad. Jonckbloet).djvu/174

Cette page a été validée par deux contributeurs.

dame Orable la noble reine. Je l’aime, et l’homme qui aime, ne recule devant rien. Je l’aime tellement que je n’en dors par la nuit, que je ne puis manger ni boire, ni porter mes armes, ni entendre la messe, ni prier Dieu !




II.


Le travestissement.


Et sans plus attendre, il fit piler dans un mortier de l’encre avec d’autres herbes dont il connaissait les vertus ; avec cela il se fit teindre le visage, la poitrine et les pieds, à lui et à Gilbert, qui n’osait s’y opposer. De cette manière ils ressemblèrent, on ne peut mieux, aux diables ou à des Sarrasins, si bien que Guibelin s’écria :

— Par saint Richer ! Vous voilà merveilleusement travestis. Vous pourrez parcourir le monde entier et personne ne vous reconnaîtra. Mais par saint Pierre ! dût-il m’en coûter la vie, je ne vous laisserai pas partir, sans vous accompagner ; je verrai comment les choses se passent.

Lui aussi se teignit le visage, et tous trois ils se mirent en route.

— Seigneur Dieu ! dit Bertrand en les voyant partir, nous voilà dans le malheur. C’est la folie qui a conseillé une entreprise qui finira par notre perte et notre déshonneur, à moins que Dieu, le souverain maître de l’univers, n’ait miséricorde de nous.

Cependant le marquis au fier visage continue sa route avec ses compagnons. Au dessous de Beaucaire ils aperçoivent le