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diable qui venait de sortir de l’eau. Il s’appelait Gilbert et avait été prisonnier à Orange d’où il s’était sauvé.

Quand il eut passé le Rhône, il alla tout droit, par monts et par vaux, jusqu’à ce qu’il eut atteint Nîmes. Lorsqu’il eut pénétré dans la ville, il trouva Guillaume entouré de plusieurs braves chevaliers, assis à l’ombre d’un pin, devant la porte du château, où un jongleur leur chantait une vieille chanson bien belle et qui plut beaucoup au comte.

Lorsque Gilbert approcha du perron, Guillaume le remarqua et se mit à le regarder avec attention ; car il avait la figure basanée et décolorée ; il était maigre et pâle, et le comte crut que c’était un Sarrasin qui venait de passer la mer pour lui apporter un message.

L’étranger lui fit un grand salut et lui dit :

— Que Dieu qui fit le vin et le blé, qui nous donne la lumière et fait marcher et parler hommes et femmes, bénisse Guillaume, le marquis au court nez, la fleur de France, ainsi que tous les nobles barons que je vois assemblés ici !

— Bel ami, toi aussi, que Dieu te bénisse ! Mais dis-moi, qui t’a appris mon nom ?

— Monseigneur, répondit-il, je vous dirai la vérité ; c’est à Orange que je l’appris, j’y ai été longtemps, sans pouvoir leur échapper, jusqu’à ce qu’un matin il plut à Jésus de me délivrer.

— Dieu en soit loué, dit Guillaume. Or dis-moi, et sans me tromper, comment tu t’appelles et de quel pays tu es.

— Monseigneur, je vous dirai la vérité ; mais je suis trop fatigué à force de veiller la nuit et de jeûner le jour ; voilà quatre jours que je n’ai pas mangé.

— Tu auras tout ce dont tu as besoin, dit Guillaume ; et appelant son chambellan, il ajouta :

— Apporte-lui un bon dîner ; du pain, du vin, tant épicé que claret, des grues, des oies et des paons épicés.