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Cet événement historique parait être la source de notre poëme.

„Les actions de valeur que fit Guillaume durant la bataille d’Orbieux ont donné sans doute l’origine aux fables de nos vieux romanciers au sujet de ce duc, de même que l’affaire de Roncevaux au roman du fameux Roland.”

Telle est l’opinion des auteurs de la profonde Histoire générale du Languedoc, telle est la conviction du savant auteur des Invasions des Sarrasins en France, M. Reinaud. Et réellement on ne saurait douter que la terreur qu’éprouvèrent les populations du Midi, sans défense lors de l’invasion de l’Émir, ne les ait fortement impressionées, au point que leur imagination dut être profondément frappée par le courage du héros qui presque seul arrêta l’armée musulmane et la contraignit à repasser les monts. La description animée des chroniqueurs du temps, généralement secs et arides, reflète assez bien cette disposition des esprits.

Or, tout porte à croire que la chanson de la Bataille d’Aleschant est l’écho lointain de ces impressions.

Je ne nie pas que si d’un côté il y a une conformité indubitable entre l’histoire et la tradition, prises dans leurs traits généraux, il n’y ait d’autre part des différences assez notables. Mais elles s’expliquent par la nature même de la tradition, comme j’ai tâché de le prouver ailleurs en étudiant les phases de cette transformation[1].

Il va sans dire que cette partie du poëme qui semble se rattacher au souvenir des exploits de Guillaume à la bataille d’Orbieu, s’arrête au moment où les portes d’Orange se ferment sur lui.

Cependant la chanson ne pouvait pas finir de cette manière, et les poëtes ont cherché un dénouement plus satisfaisant. Et cela ne doit guère nous étonner ; car l’imagination populaire ne peut se contenter à la longue de chanter une défaite quelque signalée qu’elle soit par d’admirables traits de courage. Une glorieuse vengeance devint le complément nécessaire du premier combat désastreux.

Cette seconde partie est-elle de l’invention des jongleurs ? C’est peu probable : en ces temps-là on n’inventait guère que des détails. Il est bien plus à croire que d’autres souvenirs historiques ont fourni le canevas de la branche de Renouard. Et pour cela il faut probablement remonter jusqu’à Charles-Martel.

En 721 une armée arabe ayant saccagé Narbonne se porta sur

  1. Examen critique etc., pag. 44 suiv.