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terrible commença. Les païens coururent s’armer et défendirent bien leur vie. Un des hommes de Guibelin amena des chevaux aux siens, ce qui mit les Français en état de faire un grand carnage des païens. Le combat devint de plus en plus terrible ; on ne vit que lances en pièces et hauberts démaillés, que Sarrasins sanglants encombrant les rues, et la terre trempée de sang.

Enfin Otrant, craignant d’être tué, se met à fuir ; le comte Guillaume le suit de près et, au haut de l’escalier du palais, le saisit par son manteau en lui disant :

— Otrant, je suis le justicier de la race maudite qui ne croit pas en Dieu ; quand je mets la main sur l’un d’eux, il ne lui reste que la honte à boire. Je te le dis, l’heure de ta mort a sonné. Si tu voulais croire en Jésus, le fils de la Vierge, au moins ton âme serait sauvée ; si tu ne renies pas tes faux Dieux, qui ne valent pas une alize, tu ne sauveras pas grand’chose de ta tête.

— Je ne suivrai que l’inspiration de mon cœur, répondit Otrant ; il me dit de ne pas abjurer ma foi.

Guillaume, ivre de rage, le traîne par tous les degrés jusqu’en bas.

Les Francs crièrent en se moquant du malheureux :

— Otrant, dis un seul mot et tu auras, avant de mourir, un répit de deux jours !

Le comte Guillaume s’écria d’une voix de stentor :

— Malheur à celui qui l’y engagera trop !

On le jeta par la fenêtre ; avant qu’il touche le sol, il était mort. Et après lui on en jeta des centaines, qui tous eurent les côtes et les bras brisés.

Voilà comment les Français se rendirent maîtres de la cité, des hautes tours et des salles pavées. Ils y trouvèrent du vin et du froment en grande quantité ; si la ville était attaquée, en sept ans on ne la prendrait pas par la famine.

Du haut de la tour Guillaume fit sonner un oliphant pour avertir les chevaliers restés dehors ; ils montèrent à