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gros souliers de cuir de vache ? Et ta robe et tout ton habillement pourquoi sont-ils si usés ? Tu me fais l’effet d’un homme bien chiche.

Et marchant à lui, il lui tira sa barbe comme s’il avait voulu en arracher au moins cent poils. Le comte Guillaume devint livide de rage et murmura entre ses dents :

— Tu vas voir pourquoi je porte ces gros souliers de cuir de vache et cette mauvaise robe ; je te ferai connaître Guillaume Bras-de-fer, le fils d’Aymeric de Narbonne. Si tu t’étais douté de mon vrai nom, tu ne m’aurais pas tiré par la barbe. Cela te portera malheur, par l’apôtre saint Jacques !

Puis montant tout-à-coup sur un gros bloc de pierre, il s’écria d’une voix tonnante :

— Païens félons, que Dieu vous confonde tous ! Vous m’avez assez raillé, injurié et traité de marchand et de vilain. Je ne suis pas marchand et je ne m’appelle ni Raoul ni Tiacre. Par l’apôtre saint Pierre ! vous saurez bientôt ce que contiennent ces tonneaux. Et toi Harpin, lâche infâme, qui osas toucher à ma barbe, sache le bien qu’on ne dînera ni ne soupera, avant que tu ne me l’aies payé.

Au même instant il avance la main gauche, le saisit par les cheveux et le tire à lui, puis levant sa main droite, au large poing, il lui en donne un si terrible coup, qu’il lui fracasse le crâne et le jette mort à ses pieds.

Les païens en fureur poussent de hauts cris :

— Larron, traître, tu ne peux nous échapper, par Mahomet ! une mort terrible t’attend ; tu seras brûlé vif et ta cendre jetée aux vents. Tu te repentiras d’avoir mis la main sur le roi Harpin.

Le croyant seul et sans défense les païens l’attaquèrent de tous côtés. Mais le comte emboucha son cor et en tira trois notes, le signal convenu. Quand les chevaliers cachés dans les tonneaux l’entendirent, ils défoncèrent leurs prisons et sautèrent dehors, l’épée à la main, en criant „Monjoie !”

Ils s’élancent dans les rues environnantes et un combat