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puis Lonel, les deux timoniers du premier chariot, et donna ordre de les écorcher aussitôt et de les porter à la cuisine pour les faire rôtir. Il pense en régaler ses Sarrasins, mais avant qu’ils en aient goûté un seul morceau, le roi paiera cher son acte brutal. Un Français qui avait tout vu, courut à Guillaume, et sans que les mécréants se doutassent de rien, lui dit à l’oreille :

— Par ma foi, monseigneur, il nous est arrivé un malheur. On vient de tuer deux bœufs du charroi, les plus beaux que nous eussions, ceux qui avaient appartenu au bonhomme que nous rencontrâmes. Ils étaient attelés au premier chariot, celui sur lequel est le tonneau dans lequel sont Gilbert de Falaise, Gautier de Termes et l’Écossais Gilemer, et qui était sous la conduite de votre neveu Bertrand.

La colère fit bouillir tout le sang du comte ; cependant il affecta un air tranquille et demanda tout bas :

— Qui a fait cela ? Prends garde de me tromper.

— Sur ma foi, monseigneur, vous pouvez m’en croire, c’est Harpin le mécréant.

— Pourquoi diable ? fit Guillaume.

— Je vous jure par Dieu, que je n’en sais rien.

— Par saint Denis, mon patron ! murmura Guillaume entre ses dents, il le paiera cher, et pas plus tard qu’aujourd’hui.

En ce moment les Sarrasins qui l’entourent en foule, sur l’ordre de Harpin, commencent à l’injurier et à se moquer de lui. On lui cherchait querelle.

Le roi Otrant lui-même se mit à dire :

— Eh ! vilain que Dieu maudisse, pourquoi ne portes-tu, ni toi ni un des tiens, une seule pelisse ? On te ferait meilleur accueil, si tu étais mieux vêtu.

— Je m’en soucie comme d’une alize, répondit Guillaume ; mes gens ne seront habillés à neuf que quand nous serons revenus chez ma femme qui attend impatiemment notre retour.

Harpin de son côté l’agaçant de plus belle, reprit :

— Que Mahomet t’écrase, vilain ! Pourquoi portes-tu de si