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étaient montés sur des mulets et de mauvais chevaux de trait. Ils avaient l’air de pauvres gens, et vus au grand jour on aurait refusé de trafiquer avec eux.

Le comte Guillaume lui-même endossa une gonnelle de bure du pays et fourra ses jambes dans de larges chausses de couleur foncée, terminées par des souliers de cuir de bœuf. Une ceinture, comme en portent les gens du pays, lui serrait la taille, un couteau dans une assez belle gaine y était suspendu. Un bonnet de gros drap formait sa coiffure. Il montait une bien pauvre jument, les étriers de la selle étaient aussi vieux que ses éperons rouillés, qui pouvaient bien avoir servi trente ans.

On passe le Gard à gué. On y laisse deux mille hommes d’armes, pour empêcher les vilains d’aller répandre dans le pays le secret des marchandises contenues dans les tonneaux.

On se sert des aiguillons, on pique, on frappe, on fait du chemin ; les voilà à Nocène, puis à Lavardi, d’où l’on a tiré la pierre pour bâtir les tours de Nîmes.

Ceux de la ville, tout en vaquant à leurs affaires, les remarquèrent ; piqués de curiosité ils s’adressèrent à celui qui semblait le maître, et lui demandèrent quelles marchandises il apportait.

— Des draps de soie, leur répondit-on, des étoffes précieuses de toutes couleurs, pourpres, écarlates, vertes et d’un beau brun ; des lances, des hauberts, des heaumes brunis, des écus, des épées.

— Vous apportez de grandes richesses, dirent les païens ; allez vous pourvoir d’un sauf-conduit.

Les Français chevauchent par monts et par vaux jusqu’à ce qu’ils soient arrivés à Nîmes. Ils font entrer leurs charrettes sous la porte, l’une après l’autre et se serrant de près.

Il n’y eut qu’un cri parmi la ville : „voilà de riches marchands du pays des Chrétiens ; ils apportent des marchan-