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et d’affermir les charrettes ; et Bertrand, qui fut chargé de la surintendance, tint peu compte de leurs plaintes ; plus d’un qui osa murmurer eut les yeux crevés ou fut pendu.

Quelle activité ! Ici l’on garnit les tonnes de cercles nouveaux, là on répare des charrettes grandes et petites ; plus loin les chevaliers se placent dans les tonneaux. On les munit de grands mailets, pour s’en servir à défoncer les tonneaux quand, à Nîmes, ils entendront sonner le cor du chef.

Dans d’autres tonneaux on met les lances et les écus, cachés sous des double-fonds.

Quand tout fut prêt, Bertrand changea de costume. Il mit une cotte de bure enfumée, et se chaussa de grands souliers en cuir de bœuf de couleur vermeille et avec des entailles sur le pied.

— Dieu ! dit-il, j’en aurai bientôt les pieds écorchés.

En entendant ces mots Guillaume partit d’un éclat de rire.

— Neveu, dit-il, faites avancer les bœufs dans cette vallée.

— Vous parlez en pure perte, répondit Bertrand, j’ai beau les piquer et les fouetter, je ne parviens pas à leur faire hâter le pas.

Le comte en rit de plus belle. Mais Bertrand eut du malheur ; il ne savait pas le premier mot de son nouveau métier, ce qui fut cause que sa charrette s’écarta du chemin et s’enfonça dans la fange jusqu’aux moyeux. Bertrand devint fou de colère ; il s’avança dans la boue et tâcha de soulever la roue avec ses épaules ; il s’écorcha la face sans y parvenir. Quand son oncle vit cela, il se mit à le railler sur son peu d’aptitude pour le métier qu’il avait embrassé. Cela n’accrut pas la bonne humeur du conducteur.

Dans le tonneau qu’il dirigeait, étaient enfermés Gilbert de Falaise, Gautier de Termes et l’Écossais Gilemer ; ils s’impatientèrent et crièrent à Bertrand d’avoir soin de ne pas les verser.

Enfin on marcha. Ceux qui conduisaient les chariots, avaient de grandes bourses pendues à leurs ceintures ; ils