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— Vilain, conte-moi l’état de la ville.

— Je suis à-même de vous satisfaire, répondit-il. Deux grands pains y coûtent un denier ; partout ailleurs ils en valent trois. Et si elle n’a pas empiré depuis, je puis bien dire que la qualité en est bonne.

— Fou, dit Guillaume, ce n’est pas là ce que je veux savoir. Parle-moi des chevaliers sarrasins de la ville, du roi Otrant et de ses hommes.

— Quant à cela, je n’en sais rien, dit le vilain, et je ne veux pas vous faire de mensonge.

Parmi ceux qui assistaient à ce dialogue se trouvait le chevalier Garnier, homme aussi ingénieux que brave. En voyant la charrette et les bœufs, il lui vint une idée qu’il communiqua aussitôt au comte.

— Monseigneur, fit-il, celui qui aurait mille tonneaux, comme celui que je vois sur cette charrette, s’il les remplissait d’hommes d’armes, et les conduisait à Nîmes, il pourrait prendre la ville par ce moyen.

— Par mon chef ! dit Guillaume, vous dites vrai ; et je le ferai, si mes hommes veulent y consentir.

Le vilain est arrêté. On lui donne à dîner : du pain, du vin pur et épicé. Cependant le comte fait mander ses barons, qui accourent à son appel.

— Barons, leur dit-il, celui qui aurait mille forts tonneaux, comme celui que vous voyez sur cette charrette, pleins de chevaliers armés, et les conduirait à Nîmes, il y entrerait sans coup férir.

— C’est vrai, répondirent-ils. Seigneur comte, exécutez votre pensée. Il y a assez de charrettes en ce pays ; et dans le pays de Ricordane, que nous avons traversé, il y a des bœufs : mettez-les en réquisition.

Guillaume, content de l’adhésion de ses barons, fit rebrousser chemin à ses gens. Dans toute la Ricordane on se rendit maître des bœufs, des charrettes et des tonneaux. Les paysans furent contraints de bien cercler les tonneaux