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chrétiennes. La pitié envahit mon cœur, et je pleurai d’attendrissement. Aussi fis-je serment à Dieu et à saint Gilles, que je venais d’implorer, que je retournerais dans cette terre pour secourir les malheureux, et que j’amènerais autant d’hommes que j’en pourrais enrôler.

— Seigneur Guillaume, dit le roi, c’est avec chagrin que je vous vois refuser une partie de ma terre ; mais avancez vers moi et je ferai ce que vous désirez.

Puis ôtant un des ses gants, il le lui tendit, en disant :

— Prenez l’Espagne, je vous la donne par ce gant ; mais à telle condition, que s’il vous y survient malheur ou embarras, je ne serai pas obligé de vous porter secours.

— Je ne demande pas mieux, dit Guillaume, sauf un secours en sept ans.

— Je vous l’octroie, répondit le roi. Vous pouvez compter sur moi.

Le comte regarda autour de lui, et vit à ses côtés ses deux neveux Guibelin et Bertrand, les fils de Bernard de Brebant. Il leur dit :

— Avancez. Vous êtes mes amis et mes proches parents ; placez-vous devant le roi, et recevez avec moi le gant par lequel le fief que je demande, m’est octroyé ; vous en partagerez avec moi le profit et les embarras.

Un sourire nerveux vint effleurer les lèvres de Guibelin et il dit tout bas :

— Je causerai bien du chagrin à mon oncle.

Le comte Bertrand, qui avait les yeux sur lui, l’entendit cependant, et lui dit à l’oreille :

— Tu n’en feras rien ; ton vaillant oncle le prendrait mal.

— Et que m’importe ? répondit le jeune homme. Je suis trop jeune, je n’ai que vingt ans, je ne puis encore endurer ces grandes fatigues.

À ces paroles son père, qui avait tout entendu, est transporté de fureur. Il lui donne un formidable coup de poing, en lui disant :