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et épousez sa veuve. Deux mille chevaliers bien armés vous suivront sur de bons coursiers, sans qu’il vous en coûte un denier.

La colère remonta au cœur du comte, et haussant la voix, il dit :

— Voyez donc, nobles chevaliers, comment notre légitime seigneur Louis garantit bien leurs possessions à ceux qui le servent de bon cœur. Je vous raconterai l’histoire du marquis Bérenger. Il était de la vallée de Riviers. Il tua un comte, et il ne put parvenir à faire sa paix avec les parents du défunt. Il se sauva à Laon, et se jeta aux pieds du roi, qui le reçut à sa cour et lui donna un fief et une noble épouse. Le marquis le servit longtemps et sans jamais manquer à son devoir. Puis il avint que le roi fit la guerre aux Sarrasins ; dans un combat merveilleusement rude il fut abattu de son cheval, et n’y serait jamais remonté, quand le marquis Bérenger survint. Voyant son seigneur entouré de toute part et en grand danger, il accourut au grand galop, brandissant son épée étincelante. Bientôt, comme un sanglier parmi les chiens, il eut fait un espace libre autour de lui, et descendant de son cheval, il l’offrit à son seigneur. Il lui tint l’étrier, et le roi monta et s’enfuit comme un lévrier peureux. C’est ainsi que le marquis Bérenger resta au millieu des ennemis. À l’endroit même, nous le vîmes tuer et couper en morceaux, et nous ne pûmes le secourir. — Un noble héritier lui a survécu, le petit Bérenger. Bien mauvais celui qui voudrait traîtreusement faire du tort à cet enfant ; par Dieu ! plus mauvais qu’un renégat félon. — Le roi veut me donner son fief ; je n’en veux pas. Et prêtez bien l’oreille. Je veux vous avertir d’une chose ; par l’apôtre qu’on implore à Rome, il n’y a en France si hardi chevalier, s’il accepta la terre du jeune Bérenger, qui ne perde la tête de cette épée.

Les chevaliers qui appartenaient au jeune Bérenger, le re-