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compagnons de Guillaume la chanson nomme Gilbert de Falaise, certes un nom normand ; or Léon d’Ostia mentionne parmi les gentilshommes normands venus en Italie comme condottière certain Gilbert, surnommé Buttericus, Et quelle est la signification de ce mot ? Tonneau. N’est-on donc pas en droit de conclure que ce Gilbert devait son surnom à un stratagème du genre de celui que raconte le poëme du Charroi ? Cette chanson nous reporte donc aussi au onzième siècle.

Il n’y a guère que des suppositions possibles sur l’origine de la branche de la Prise d’Orange ; parce que ce poëme, tel que nous le connaissons aujourd’hui, est probablement, sinon de composition, au moins de rédaction assez récente.

Des données que nous possédons sur l’histoire de la tradition populaire concernant notre héros, il résulte qu’un des plus anciens poëmes contenait le récit de ses amours avec Orable, terminé par la prise d’Orange et son mariage avec la belle princesse maure. Plus tard, probablement dans le XIIe siècle, on a détaché de cette chanson le récit de la Prise d’Orange ; pour le coudre à la suite du poëme de la surprise de Nîmes, fort populaire dans le Nord de la France.

Tout semble annoncer que cela ne s’est pas passé sans faire subir au récit primitif des altérations assez graves, qui ont surtout porté sur le commencement et la fin de la narration. Ainsi l’on avait droit de s’attendre à ce que le baptême et les noces d’Orables fussent décrits avec quelque détail ; cependant le poëme, tel que nous le possédons, y consacre vingt vers à peine. Du reste nous savons par d’autres parties de l’épopée que le dénouement était autrefois raconté tout autrement et que le jongleur qui arrangea le poëme primitif à sa guise, a changé plusieurs détails du tableau.

Cette rédaction perdue était fort ancienne, puisque la légende latine de St. Guillaume, qui date des premières années du douzième siècle, y fait allusion.

Que si l’on demande si nous avons affaire encore ici à une tradition normande, et si le mariage de Guillaume n’est pas une réminiscence de l’union de quelque aventurier normand avec une princesse étrangère, soit en Espagne, soit en Italie, il faudrait répondre qu’il y a sans doute des analogies historiques : le Normand Roger de Toeni épousa, vers 1010, la fille de la comtesse Ermesinde de Barcelone, et le fameux Robert Guiscard devint l’époux de la princesse de Salerne, fille de Gaimar IV ;