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du palais, où je suis resté trop longtemps. J’y ai vu et entendu bien des choses. Notre empereur a gratifié ses barons de fiefs : tel a reçu une terre, tel autre un château ou un bourg, un troisième une ville, d’après son mérite. Mais vous et moi, mon oncle, nous avons été oubliés. Je ne m’en soucie pas pour moi, qui ne suis qu’un bachelier ; mais pour vous, monseigneur, qui êtes si vaillant, qui avez tant de fois payé de votre personne en veillant la nuit et en jeûnant le jour.

Un étrange sourire passa sur les traits de Guillaume.

— N’y pensez plus, mon neveu, dit-il. Allez prestement à l’hôtel et faites-vous armer ; moi j’irai parler à Louis.

Pendant que Bertrand exécute ses ordres, le comte poursuit sa route vers le palais. Il descend de cheval sous l’olivier touffu et monte les degrés de marbre. En marchant il frappe du pied les dalles avec tant de force que les lacets de ses souliers en cuir de Cordoue se rompent. Tous ceux qui le voient, sont effrayés de sa mine sévère.

Lorsque le roi l’aperçut, il se leva pour le saluer et l’invita à s’asseoir.

— Je n’en ferai rien, Sire, dit Guillaume ; mais j’ai deux mots à vous dire.

— Faites-le comme vous l’entendez, répondit le roi. Il me semble que vous venez me chercher querelle.

— Louis, Sire, je n’ai jamais cherché à entrer dans le lit des veuves, ou à deshériter des enfans ; mais je t’ai servi les armes à la main comme il sied à un homme. Pour toi j’ai soutenu bien des combats, dans lesquels j’ai tué maint noble guerrier. Le péché en est resté sur moi ; car quels qu’ils fussent, c’étaient des créatures de Dieu. Que le Seigneur ait leurs âmes et qu’il me pardonne !

— Monseigneur Guillaume, se hâta de dire le roi, je vous supplie, ayez quelque patience. Après l’hiver vient l’été ; un de ces jours quelqu’un de mes pairs mourra, je vous promets