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sonne ne m’empêchera de te faire trancher la tête et d’arracher tous les membres de ton corps.

— Misérable ! répond le comte, que Dieu te maudisse ! Je ne te prise pas plus qu’un chien enragé.

Il pique Alion de ses éperons d’or, et de sa lance atteint Richard au milieu de l’écu qu’il lui perce de part en part. L’acier rompt les mailles du haubert et lui entre dans le flanc gauche, d’où le sang s’échappe à gros bouillons. Le cheval se cabre et jette bas son cavalier. La chûte fut si violente que la pointe aiguë qui termine le heaume, se ficha dans la terre et que deux lacets du casque se rompirent.

Guillaume saute à bas de son cheval et tire son épée : il alait lui couper la tête lorsque les quinze se ruent sur lui.

À voir ainsi le comte accablé par le nombre, mais ripostant vigoureusement de sa bonne épée, on eût eu pitié du noble guerrier. Mais ses compagnons accourent, et du premier coup chacun d’eux abat son adversaire. Dieu combat avec eux, et avec son aide ils en tuent dix ; les cinq autres se mettent à fuir ; ils sont tous blessés.

Guillaume se met à leur poursuite, et leur crie en ricanant :

— Seigneurs barons, par le Dieu du ciel ! comment souffrirez vous cette honte que nous emmenions votre seigneur légitime prisonnier ? Quelle gloire pour vous, si vous parveniez à le délivrer !

— Pour Dieu, merci ! noble Guillaume, répondirent les fuyards. Vous êtes digne d’être roi. Il vous en coûtera peu de nous reduire ; car nos entrailles tombent sur nos arçons, et le moins blessé de nous peut à peine se tenir en selle.

Aussitôt le comte retient son cheval. Du moment qu’ils lui crient merci, il aurait mieux aimé qu’on lui coupât tous les membres que d’en toucher un seul.

Il rebroussa chemin.