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Après avoir fait ce qui est agréable à Dieu et gagné gloire et honneur, chacun pensa à retourner chez soi.

Le brave comte Guillaume au court nez chevaucha vers la douce France ; il laissa la plupart de ses chevaliers en garnison dans les forteresses et châteaux du Poitou et n’en emmena que deux cents avec lui.

Il côtoya toute la Bretagne jusqu’au Mont-Saint-Michel, où il se reposa pendant deux jours. Puis il pénétra dans le Cotentin et se dirigea sur Rouen, où il alla se loger dans le bourg. Il commit l’imprudence de s’engager de plus en plus dans les terres du duc Richard dont il avait tué le fils. Mais il avait foi en la paix jurée.

Le duc en fut informé, et plein de rage il s’écria :

— Comment, celui qui m’enleva mon héritier bien-aimé, a l’audace de venir chevaucher dans mes terres ! Par l’apôtre saint Jacques ! avant qu’il en sorte il s’en repentira.

— Pour Dieu, monseigneur, dirent ses chevaliers, ne l’attaquez pas en ce pays ; car les bourgeois voleraient à son secours. L’occasion n’est pas bonne pour entreprendre une trahison.

— Tant pis pour lui, reprit le duc. Je trouverai un moyen plus sûr pour me venger. Je lui enverrai un salut amical, et lui ferai savoir que je veux l’accompagner en France. Nous serons seize, tous bien armés ; chacun de nous aura un bon poignard d’acier, et si l’occasion se présente de le séparer de sa suite, nous le tuerons.

À l’instant même quinze chevaliers lui jurèrent de l’aider. Mieux leur eût valu n’en rien faire, car la honte en retomba sur eux.

Cependant le comte, sans se douter de rien, chevauche fièrement. Il marche jusqu’à la sombre forêt de Lions. Là sa troupe fait halte dans une clairière. Les paysans des environs leur apportent des vivres ; on dîne, et après dîner tous vont faire un somme sous les arbres.