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— Ne le touchez pas, beau neveu. Ne plaise à Dieu qu’il meure par une épée de gentilhomme ; il mourra, mais honteusement.

Et saisissant un pieu dans une treille, il en porta un coup si formidable sur la tête d’Acelin, que le sang et la cervelle en jaillirent au loin. Il l’abattit roide mort à ses pieds.

— Monjoye ! Saint-Denis à la rescousse ! s’écria-t-il. Le roi Louis est vengé de celui-là.

Et piquant des deux, il courut à l’abbaye vers son seigneur, et se jetant dans ses bras, lui dit :

— Sire, je vous ai vengé du fils de Richard ; il ne tirera plus l’épée pour qui que ce soit. De qui avez-vous à vous plaindre encore ?

— Dieu, répondit l’enfant, je te rends grâce ! Maintenant si j’étais vengé du père, je serais bien content.

Aussitôt le comte va à sa recherche. On lui dit qu’il s’est refugié dans l’église. C’est là qu’il dirige ses pas, suivi de quatre-vingts chevaliers. Il trouve Richard appuyé contre l’autel, et sans se laisser arrêter par la sainteté du lieu, de la main gauche il le saisit par les cheveux, et le forçant d’incliner la tête sur la poitrine, de son poing droit il lui donne sur la nuque un coup qui l’abattit sans connaissance à ses pieds. Richard ne remua pas ; on eût pu lui couper tous les membres.

La rage de Guillaume n’était pas encore assouvie. Il demande des ciseaux et fait tomber la chevelure de son ennemi, puis il lui arrache sa ceinture et tous ses vêtements et le rejette nu sur la dalle.

— Voilà, s’écria-t-il, comment on doit faire justice d’un traître qui veut déshonorer son seigneur.

Les assistans intervinrent et sauvèrent la vie au duc. Ils firent même tant que les deux ennemis se réconcilièrent, et que Richard tint le comte et tous les autres quittes de la mort de son fils. Richard et Guillaume s’embrassèrent ; mais cette paix ne fut pas de bon aloi.